10. Ж.-Н. Делилю
13 декабря 1747

Monsieur! J’ai bien reçu votre très agréable du 13 de novembre1 et je voudrais pouvoir vous exprimer la joie qu’elle m’a faite. Si je suis sensible à l’honneur de votre bon souvenir, je ne suis pas moins reconnaissant aux marques de la bonté que vous me témoignez presque à chaque ligne; et sans mentir elle me sera toujours précieuse. Je vous supplie donc, monsieur, de vouloir bien m’accorder la continuation de votre estime pour moi; j’ose vous assurer que vous ne m’obligerez pas un ingrat, si bien que je mettrai tout en usage pour en pouvoir être digne de plus en plus et avoir l’avantage de la mériter plutôt par des effets que par des paroles.

Pour ce qui concerne l’Académie, elle est à présent, par la grâce de s. m. i. et par les soins assidus de s. e. mgr le président sur un bon pied, à l’incendie près qui lui est arrivé à 5 heures après minuit le 5 de décembre v. s., et qui a causé à la vérité quelques dommages, toutefois réparables. On a dressé avant toute chose, un Règlement et l’Etat qui sont fort solides et équitables; on a divisé l’Académie en deux départements, dont-l’un est Académie des Sciences proprement dite et les membres qui la composeront s’apelleront désormais les académiciens: mais le second est l’Université, subordonnée à l’Académie; ses membres sont les professeurs, dont les emplois et les devoirs sont bien réglés, de sorte qu’aucune contestation n’aura plus de prise sur les esprits. Pour soutenir l’honneur et l’éclat de l’Académie s. m. i. fit la grâce d’augmenter la somme académique annuelle jusqu’à A° 53 000 et quelques centaines de plus. Plusieurs parmi les honnêtes gens trouvent que cet arrangement ne saurait être que très utile à la nation. Mais ce qui me réjouit le plus, ce qu’on ne fait plus paraître aucune animosité, ni mention d’aucune querelle ancienne: 2 elles sont ensevelies toutes dans l’oubli parfait de part et d’autre. Nous autres, pédants, en qualité de professeurs s’entend, nous ne respirons que la tranquilité et la bonne intelligence, jouissants d’une paix profonde. О pax , pacem te colimus omnes : * c’est seulement le précis de l’état moderne de l’Académie: les détails en feront un gros calepin.

De l’Académie je passe en Sorbonne, c’est à dire des sciences humaines à la théologie; sans vanité, je suis un peu en état par moi-même de satisfaire mr le docteur et bibliothécaire de Sorbonne 3 sur toutes les questions: néanmoins, pour donner plus de poids à la réponse que je lui ferai tenir par le canal du Collège des affaires étrangères et par conséquent par le ministre de Russie résident à Paris,4 même pour en assurer davantage mr le docteur (quem semel iterumque honoris causa hominari et me illi quam maxime commandatum velim ),** j’ai cru devoir m’adresser à un de nos prélats, qui sont presque tous, comme vous devez le savoir, fort favorables afin que quelqu’un d’eut fasse cette

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réponse en latin; et c’est ce que je tâcherai d’effectuer le plus tôt qu’il me sera possible.5

L’article, qui vous regarde, monsieur, vous sera peut-être un peu désagréable, et j’apréhende fort que je puisse obtenir pardon de votre part. Oui, monsieur, je fis un extrait de vos annales des phénomènes tant aériens, que célestes; je le traduisis en français; 6 j’écrivis une lettre pour vous-même. Elle fut déjà mise dans l’enveloppe; je fus donc sur le point de vous envoyer le petit paquet; mais le malheur, le grand et horrible malheur, qui m’a surpris dans un profond sommeil le 31 d’ octobre v. s. à 4 heures après minuit m’empêcha d’être homme de parole à votre égard. Toute ma maison avec la petite bibliothèque et papiers, avec mes hardes, linges, nippes, provisions, argent, bijoux et batterie de cuisine, fut réduite en cendres, en moins de rien, et ce qui me tient le plus au coeur, c’est Rollin, l’incomparable Rollin, dont j’ai eu le bonheur de finir la traduction (c’est de son “Histoire ancienne”) 7 le soir précédent. Ma femme et moi, nous nous sauvâmes à demi-nus par la fenêtre et peu s’en fallut que mon fils, enfant â l’âge de deux ans, n’y fût consumé, ayant été oublié dans son berceau; cependant une de mes servantes le retira et se sauva avec lui par la même fenêtre; la seconde se sauva aussi, mais une troisième fut surprise et brûlée entièrement: les autres domestiques se sauvèrent comme ils purent. Fâcheuse extrémité! Et <ce> coup me semble être irréparable.

Mais la grâce plus que maternelle de s. m. i. me dédommagea pour la plus grande partie. Outre les étoffes de soie de chaque espèce, les peaux de renards, et toutes sortes de provisions, elle a eu la générosité tout-à-fait impériale de me donner par son ordre exprès, signé de sa propre main, tro<i>s mille roubles, qui font comme vous savez, quinze mille livres de France. C’est à juste titre que vous admirez, monsieur, la bonté et la libéralité de notre souveraine. Je passe sous silence les paroles gracieuses et touchantes, que s. m. i. prononça en ma faveur, lorsque je me suis jeté à ses pieds en signe de mes actions de grâces. Il suffit de vous dire que sa grâce impériale passa mes attentes.

Je serais le dernier des ingrats, si je ne vous disais rien de la libéralité charitable envers moi de presque tous les grands-seigneurs et des dames et surtout du prince et de la princesse de Kourakin, du comte et de la comtesse de Warontzoff.8 Croyez-moi, monsieur, s. e. mgr. le président, conjointement avec mr l’assesseur de Teploff,9 m’ont donné pour plus de 200 roubles; qu’il vous plaise de juger par là des autres.

Je n’oublierai jamais la généreuse libéralité de mr le professeur de Müller,10 le lendemain de l’incendie, pendant que je ne savais rien touchant la manifiscence de s. m. i. il m’envoya vingt roubles, dans le temps que j’étais encore dans la maison de mr le conseiller de Nartoff,11 car c’est lui, qui, par sa bonté pour moi, me retira charitablement, avec toute ma famille, chez soi, en me fournissant S jours de suite non seulement le nécessaire, mais même au-delà

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du superflu. Que le Seigneur, source de toute bonté et charité veuille les récompenser tous, par sa sainte bénédiction et faveur, puisque mes forces n’égaleront jamais la grandeur de leur généreuse charité.

Au reste, je prends la liberté de vous souhaiter une bonne et heureuse année, dans laquelle nous allons entrer, accompagnée de toutes sortes de biens tant spirituels, que temporels, et faisant mille et mille compliments à madame Delisle, votre chère épouse, je suis avec respect et considération la plus parfaite, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

B. Trediakoffski.
A St-Pétersbourg, le 13 Xbre v. s. 1747.


Перевод:


Милостивый государь! Я получил ваше весьма любезное письмо от 13 ноября 1 и желал бы выразить радость, которую оно мне доставило. Если я тронут той честью, что вы меня помните, то я не менее признателен и за знаки доброты, которые вы изъявляете почти в каждой строке; и скажу по чести, она будет мне всегда бесценной. Прошу вас, милостивый государь, соблаговолите удостоивать меня вашим уважением и впредь: смею уверить вас, что я не останусь неблагодарным, ибо употреблю все старания, дабы быть достойным все более и более, скорее делами, нежели словами.

Что же до Академии, то ныне, благодаря милости е. и. в. и настоятельным заботам е. с. г-на президента, она преуспевает, если не говорить о пожаре, случившемся в 5 часов пополуночи 5 декабря ст. ст. и действительно причинившем кое-какой урон, впрочем, поправимый. Прежде всего учреждены Регламент и Штат, весьма основательные и справедливые. Академия разделена на два департамента, один из которых — собственно Академия наук, и члены, ее составляющие, отныне будут именоваться академиками, а второй — Университет, подчиненный Академии, его члены — профессоры, занятия и обязанности которых так же, как у академиков, упорядочены таким образом, что никаких споров более возникать не будет. Чтобы поддержать славу и честь Академии, е. и. в. милостиво повелела увеличить годовой расход на Академию до 53 000 рублей и несколько сотен сверх того. Многие среди благородных людей находят, что подобное устройство Академии окажется весьма полезным для нации. Но что меня более всего радует, так это то, что не проявляется более никакой враждебности и ни малейшего упоминания о прежней распре.2 Все они преданы забвению и с той, и с другой стороны. Мы же люди учащие, то есть профессоры, наслаждаясь прочным миром, пребываем в покое и согласии. “О рах , расеm te colimus оmnes ”.* Это лишь краткий очерк нынешнего состояния Академии, подробное его описание составит целый том.

От Академии я перехожу к Сорбонне, т. е. от гуманитарных наук к теологии; без хвастовства скажу, что я сам в состоянии удовлетворить г-на доктора и библиотекаря Сорбонны3 по всем вопросам: тем не менее чтобы придать больше весомости ответу, который будет по моему настоянию послан через посредство Коллегии иностранных дел, а следовательно, русского министра в Париже,4 и для того, чтобы еще больше убедить в этом г-на доктора (quem semel iterumque honoris causa hominari et me illi quam maxime commandatum velim )**, я почел долгом обратиться к одному из наших священнослужителей, которые, как вы, должно быть, знаете, почти все склонны к тому, чтобы кто-нибудь из них сочинил этот ответ на латинском языке, и постараюсь осуществить это как можно скорее.5

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Статья, которую вы видите, милостивый государь, возможно, вас несколько огорчит, и я весьма опасаюсь, что не заслужу вашего прощения. Да, милостивый государь, я сделал экстракт из ваших заметок о явлениях как атмосферных, так и небесных; я перевел их на французский;6 я написал вам письмо. Оно было уже запечатано, и я, следовательно, готов был отослать вам небольшой пакет; но несчастье, несчастье великое и ужасное, которое застигло меня в глубоком сне 31 октября ст. ст. в 4 часа пополуночи, не позволило мне быть по отношению к вам человеком слова. Весь мой дом с маленькой библиотекой и бумагами, с платьем, бельем, тряпьем, провизией, деньгами, драгоценностями и кухонной утварью обратился в пепел, в прах, особенно же печалит сердце мое Роллен, несравненный Роллен, перевод которого (его “Древней истории”)7 я имел счастье окончить накануне вечером. Мы с супругой моей, полуодетые, спаслись через окно, а сын мой, двухлетнее дитя, едва не сгорел, забытый в своей колыбели. Но одна из моих служанок вытащила его и спаслась с ним через то же окно; вторая служанка также спаслась, но третья была застигнута огнем и сгорела; другие слуги спаслись, как сумели. Чудовищное бедствие! И удар этот кажется мне непоправимым!

Но е. и. в. оказала мне более чем матернюю милость, возместив в большей его части ущерб: кроме шелковых тканей всякого рода, лисьих шкур и разного провианта, она с подлинно царским великодушием пожаловала мне особым указом, подписанным ее собственной рукой, 3000 рублей, что, как вы знаете, соответствует 15 000 французских ливров. Вы по справедливости восхищаетесь, милостивый государь, добротой и щедростью нашей государыни. Я обойду молчанием милостивые и ласковые слова, которыми е. и. в. подарила меня, когда я бросился к ее ногам в знак моей благодарности. Довольно вам сказать, что царская ее милость превзошла мои ожидания.

Я был бы последним из неблагодарных, если бы ничего не сказал вам о великодушной щедрости ко мне едва ли не всех придворных кавалеров и дам, а особенно князя и княгини Куракиных, графа и графини Воронцовых.8 Верьте мне, милостивый государь, его пр-во г-н президент вместе с асессором Тепловым9 одарили меня более чем на 200 рублей; а по сему можете судить и о других.

Я никогда не забуду благородную щедрость г-на профессора Миллера:10 на следующий день после пожара, когда я еще не знал о великодушии е. и. в., он послал мне 20 рублей, в то время как я еще был в доме г-на советника Нартова,11 так как это он из доброго ко мне отношения приютил меня со всем семейством у себя, предоставляя 8 дней кряду не только все необходимое, но и излишнее, и даже более того. Да воздаст им господь, источник всяческой доброты и милости, своим святым благословением и покровительством, раз уж мои силы не сравняются никогда с величием их щедрой благотворительности.

Впрочем, я беру на себя смелость пожелать вам доброго и счастливого года, в который мы сейчас вступаем, всяческих благ, как духовных, так и мирских, и, посылая тысячу приветствий г-же Делиль, драгоценной вашей супруге, остаюсь с совершенным почтением ваш нижайший и покорнейпшй слуга

В. Тредиаковский.
Петербург 13 октября 1747.

* О мир, мы все тебя, мир, чтим (латин.).

** я хотел бы, чтобы он не раз был назван чести ради и чтобы я был ему представлен должным образом (латин.).

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Тредиаковский B.К. Письмо Ж.-Н. Делилю, 13 декабря 1747 г. // Письма русских писателей XVIII века. Л.: Наука, 1980. С. 54—57.
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