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А. Р. Воронцову

(8 мая 1791 г. из Тобольска)

Monsieur.

Depuis deux jours nous avons ici un temps d'été. Le passage du chaud au froid a été très subit. Avant-hier on portait pellisse, hier un surtout était une chose insupportable. La direction des vents semble ici commander au temps froid et chaud. Le vent de Béresow, comme on l'appelle ici, vient toujours

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chargé d'un froid mortel pour les végétaux; le vent du sud les fait fleurir en été et est toujours accompagné d'un temps serein en hiver; car passant par des continents il ne peut s'imprégner d'humidité et souffle toujours sec.

J'avais cru que l'Irtisch se démentirait cette année, comme j'ai eu l'honneur de l'écrire à Votre Excellence, et qu'il ferait faux bond à l'unique pari d'un rouble qu'il y a eu ici sur ia débâcle; mais la nature, constante dans sa marche, sans nous en indiquer le pourquoi, a vérifié encore l'observation, que le dernier terme du départ des glaces de l'Irtisch à Tobolsk ne passe jamais le 23 d'Avril. Son terme ordinaire est du 19 au 23, sauf les exceptions. Cette année-ci, il a commencé à charrier le soir du 21. 5 jours avant ce terme le Tobol avait charrié, et l'eau dans l'Irtisch avait augmenté de 3/4 d'archine. Depuis que les neiges ont commencé de fondre, l'eau de la rivière est extraordinairement bourbeuse et impotable. On fond la glace pour avoir de l'eau passable. Le peuple s'abreuve de l'eau des neiges qui fond dans les ravins. En général il est difficile, si ce n'est en hiver et dans les plus grandes gelées, d'avoir de la bonne eau. Il n'y a pas de source dans tous les environs de Tobolsk, il n'y a pas une seule petite pierre dans tout l'Irtisch, ni dans la montagne qui le borde d'un côté, il n'y a pas de sable; si ce n'est un sable bien fin, gris et mêlé d'argile. Comme on est assez insouciant sur cet article, et que le Russe boit le quasse, la disette de bonne eau n'est pas si sensible. Ce que je n'ai pas assez vérifié, mais il me semble que la qualité de l'eau d'ici n'est pas même insalubre. Pour moi, enfant gâté et infirme, je me trouve fort à la gène pour ma boisson; mais je tâcherai de me tirer d'affaire en faisant filtrer l'eau ordinaire, que je transformerai en eau de seltz par la méthode de Pristely. Aussi en ai-je grand besoin, car la toux me suffoque et les remèdes ordinaires ne m'apportent aucun soulagement.

Les rhumatismes, la goûte, la goûte volante, les fièvres-arthritiques sont très communes à Tobolsk et en général, dit-on, dans ce gouvernement et sont, à ce qu'il semble, une suite de la rigueur du climat. Les fièvres chaudes sont ici aussi communes qu'en Russie; mais une fièvre tierce était une chose inconnue à Tobolsk. On n'en a eu d'exemple que depuis deux ans.

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Quelle en peut être la cause? D'où vient qu'une maladie inconnue commence à se manifester? Est-ce le climat qui change, ou la manière de vivre? C'est une chose à vérifier. S'il est démontré que le climat d'un pays s'adouicisse par la culture, la somme de nos maladies augmente aussi, à mesure que nous échangeons une vie dure et active contre une vie molle et sédentaire. En voilà je crois assez parler de maladie. L'homme est si affaibli pas tous les maux physiques et moraux, qu'il semblerait, qu'il n'appartient ou ne devrait appartenir qu'à des gens du métier de parler fièvre, asthme, paralysie etc. Mais Votre Excellence me le pardonnera avec votre indulgence accoutumée. L'homme aime à parler de ce qui le touche de près; et moi, toussant, crachant, éternuant... Votre Excellence ne s'étonnera pas que je me place sur les rangs des disciples d'Esculape, et que je parle fièvre...

J'aurai désiré parler à Votre Excellence d'une matière plus intéressante et revenir sur une matière que j'ai touché en passant dans une de mes lettres; c'est le commerce de la Chine. Mais je ne pourrai à présent que porter un jugement provisoire. Plusieures données me manquent pour faire un calcul appréciatoire de l'utilité d'un commerce étranger, qui à mon avis n'est jamais bon autrement qu'il sert à alimenter le commerce intérieur. Plus une marchandise, soit du cru du pays ou étrangère, passe par différentes mains, plus elle doit être précieuse aux yeux de l'administration. Une marchandise qui, en entrant dans un pays, va droit au consommateur, n'est pas et ne doit pas être un objet précieux, je ne me permettrai ici qu'une seule considération; à mon avis il n'y a que le grand manque de thé, dont l'usage est devenu nécessité première, qui ferait désirer le commerce avec la Chine. L'extraction du kitaïka est plus pernicieuse pour la Russie qu'utile. Le manque absolu des дабы, espèce de grosse toile de coton, des kitaïkas et des petites étoffes de soie de Chine, a fait que l'on commence à cultiver le lin en Sibérie: culture qui y était tout à fait étrangère. Si on allègue en faveur du commerce chinois qu'il enlevait toutes nos pelleteries, je dirais que presque tout ce qu'on recueille de cette marchandise dans la Sibérie se débite en Russie; la meilleure et celle que les Chinois demandent se tire des îles Aléoutiennes et autres. Un commerce qui ôte à l'agriculture les bras, qui pourraient lui être consacrés, un commerce

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de rapines, qui étouffe dans le cœur de l'homme le germe de la pitié... tirons le rideau. Et ne vous y trompez pas; le roitelet Chélekhoff n'a pas demandé des soldats pour rien. On m'a dit, et la chose est, dit-on, certaine, le colonel Bentham lui a donné 100 hommes de son bataillon poursuivre ses conquêtes. Je finis; mais je ne le puis sans vous rendre des actions de grâce; car, de quelque côté que je me tourne, je me vois entouré de vos bienfaits. Dieu fait lever le soleil pour éclairer l'univers; mais c'est à vous que je dois mon existence. Si j'ai un moment heureux, c'est à vous que je le dois, et si je n'ai pas de place pour faire la finale ordinaire, je vous dirai: voyez mon âme.

A. Radischeff.

8 Mai.

Le courrier, qui n'est pas encore parti, me donne le moyen de donner une réponse à la lettre de Votre Excellence du 5 Avril que je viens de recevoir. Je suis très convaincu de la justesse des raisons que Votre Excellence dit exister pour presser mon départ et me rendre au lieu de ma destination. Je le ferai sans balancer et ne tarderai qu'autant qu'il faut pour se procurer des voitures de voyage. Persuadé des bontés de Votre Excellence, je suis assuré que je ne serai point oublié, dans le coin que je vais habiter; mais vu les raisons qui m'ont fait condamner, je sais très bien que ma situation ne peut pas changer tout de suite. Si je puis alléguer quelque chose en faveur du retard de mon voyage, je ne ferai que récapituler ce que j'ai dit à Votre Excellence, ce que j'ai dit dans mes précédentes lettres. A mon arrivée ici, la situation de mon âme et de mon esprit était tout à fait différente de ce que je me sens aujourd'hui. Croyant toujours devoir vivre tout seul, je vous avoue que je ne faisais plus cas de moi, et si je n'ai pas douté une seule fois de vos bontés pour moi, j'avoue encore que la sortie de ce pays me paraît difficile. En y mettant le pied, il m'a semblé que je lisais sur les physionomies l'inscription que Dante met au dessus de la porte de son Enfer: Lasciate ogni speranza voi ch'entrate.

Je ne voulais dans les commencements qu'attendre la fin des grandes gelées pour me remettre en route; mais je tombai malade de la fièvre, qui dura un peu moins d'un mois. Sur ces entrefaites j'eus l'avis certain que mes amis voulaient partager

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ma solitude; j'avoue, que je désirai qu'ils me trouvassent encore ici. J'étais convalescent quand ils arrivèrent. Il ne restait que trois semaines de traînage et, pour en profiter, il aurait fallu aller en courrier. D'ailleurs il aurait aussi fallu passer tout l'été à Irkutsk, parcequ'on dit que jusqu'à l'endroit de mon séjour il n'y a d'autres voies en été que par eau. Ainsi j'ai cru que rester pour rester cela revenait au même.

Mais que Votre Excellence ne croie pas que je veuille me disculper; je me prépare déjà. Deux voitures sont déjà achetées et, avant que Mai finisse, je serai en route. Les inondations qui durent ici pendant un mois mettront quelque retard à notre voyage. L'eau ne déborde pas encore.

Mon seul souhait est que Votre Excellence continue à avoir des bontés pour moi; ma satisfaction est de croire que vous puissiez dire de moi: il fut homme de bien.

Перевод

Милостивый государь.

Вот уже два дня у нас стоит летняя погода. Переход от тепла к холоду был внезапный. Позавчера ходили в шубе, а вчера и в пальто было невыносимо. Холодная и теплая погода, повидимому, зависят здесь от направления ветра. Березовский ветер, как его тут называют, всегда приносит с собою холод, губительный для растений. Южный ветер дает им расцвести летом и всегда сопровождается ясной погодой зимой; это всегда сухой ветер, ибо, проходя над сушей, он не насыщается влагой.

Я думал, что Иртыш в этом году изменит себе, как я уже имел честь писать об этом вашему сиятельству, и подшутит над теми, кто побился здесь на единственный в своем роде заклад в один рубль о начале ледохода; но природа, верная себе в своем ходе, не объясняя нам причин, еще раз подтвердила наблюдение, что крайний срок вскрытия Иртыша у Тобольска никогда не случается позже 23 апреля. Обычно это бывает между 19 и 23 неукоснительно. В этом году лед тронулся вечером 21. Пятью днями раньше начался ледоход на Тоболе, и вода в Иртыше поднялась на 3/4 аршина. С тех пор как начали таять снега, вода в Иртыше стала чрезвычайно мутной и негодной для питья. Чтобы достать сносную воду, растапливают лед. Население берет воду от таящих по оврагам снегов. Вообще говоря, получить здесь хорошую воду трудно, кроме как зимою

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и в самые большие морозы. Во всех окрестностях Тобольска нет ни одного родника, по всему Иртышу не найдешь и камешка, а на его гористом берегу вовсе нет другого песка, кроме мелкого серого, смешанного с глиной. Так как к этому предмету относятся довольно беспечно, а русский человек обычно пьет квас, то недостаток в хорошей воде ощущается не очень сильно. Мне кажется, что здешняя вода по своим качествам вовсе не вредна для здоровья, впрочем я еще этого достаточно не проверил. А мне, созданию избалованному и немощному, трудно приходится в отношении питья, но я постараюсь выйти из положения, процеживая обыкновенную воду и превращая ее в сельтерскую по способу Пристли. Я в этом испытываю большую нужду, так как задыхаюсь от кашля, а простые лекарства не приносят мне никакого облегчения.

Ревматизм, подагра, летучая подагра, суставные лихорадки весьма обычны для Тобольска и вообще, говорят, для всей губернии и являются, как мне кажется, следствием суровости климата. Горячки здесь так же обычны, как и в России, зато болотная лихорадка в Тобольске была неизвестна. Случаи ее появились года два тому назад.

Какая может быть этому причина? Почему начинает объявляться неизвестная болезнь? Климат ли изменяется или образ жизни? Это еще надлежит проверить. Если доказано, что обработка земли смягчает климат страны, то количество наших болезней возрастает по мере того, как мы меняем жизнь суровую и трудолюбивую на жизнь изнеженную и малоподвижную. Но довольно, я думаю, говорить о болезнях. Человек столь ослаблен от страданий и тела и души, что, казалось бы, о лихорадке, одышке, параличе и прочем следует, или следовало бы, говорить только лекарям. Но со свойственной вам снисходительностью вы, ваше сиятельство, меня простите. Человек любит поговорить о том, что его близко касается; и вы не удивитесь, ваше сиятельство, что и я, кашляя, сморкаясь, чихая..., становлюсь в ряды учеников Эскулапа и что я говорю о лихорадке.

Мне хотелось бы сказать вашему сиятельству о чем-то более занимательном и вернуться к тому предмету, который я мимоходом затронул в одном из моих писем: это – торговля с Китаем. Но сейчас я могу высказать лишь предварительное суждение. Мне недостает многих данных для составления оценочного расчета пользы иноземной торговли, которая по-моему хороша

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лишь тогда, когда служит процветанию торговли внутренней. Чем больше рук проходит товар, будь он местный или заграничный, тем ценнее он становится с точки зрения управления. Товар, который, поступая в страну, идет непосредственно потребителю, не есть и не должен быть ценным предметом. Я позволю себе здесь только одно соображение: по моему мнению, лишь большой недостаток в чае, потребление коего стало первейшей необходимостью, заставляет желать торговли с Китаем. Ввоз китайки для России скорее вреден, чем полезен. Совершенное отсутствие дабы – род грубой бумажной ткани, китайки и дешевых тканей из китайского шелка привело к тому, что в Сибири стали сеять лен, чего ранее не делалось вовсе. Если, говоря о пользе китайского торга, ссылаться на то, что там скупалась вся наша пушнина, я сказал бы, что, напротив, почти весь пушной товар, добываемый в Сибири, продают в Россию; отборные меха и те меха, что имеют спрос у китайцев, поступают с Алеутских и других островов. Торговый промысел, отнимающий у земледелия руки, которые могли бы посвятить себя ему, грабительский промысел, душащий в сердце человека зачатки жалости... задернем завесу! И не обманывайтесь: царек Шелехов 1 попросил солдат не напрасно. Мне говорили, – и это сказывают достоверно, – что и полковник Бентам 2 дал ему сто человек из своего батальона для продолжения его завоеваний. Кончаю, но не могу закончить, не воздав вам благодарности; ибо, куда бы я ни посмотрел, я всюду вижу себя окруженным вашими благодеяниями. Бог подымает солнце, чтобы оно светило вселенной, но вам я обязан своим существованием. Если на мою долю выпадает счастливое мгновение, я этим обязан вам, а если у меня нехватает места для обычного окончания письма, я могу только сказать: загляните в мою душу.

А. Радищев.

8 мая.

Курьер еще не уехал, и это дает мне возможность ответить на письмо вашего сиятельства от 5 апреля, которое я только что получил. Я вполне уверен в справедливости тех доводов, которые по словам вашего сиятельства имеются, чтобы ускорить мой отъезд 3 и отправиться к месту моего назначения. Я исполню это без колебаний и промедлю лишь столько, сколько потребуется, чтобы раздобыть дорожные возки. Убежденный в

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милостях вашего сиятельства, я уверен, что не буду забыт и в том углу, где мне предстоит поселиться; но, принимая во внимание поводы, приведшие к моему осуждению, я знаю очень хорошо, что мое положение не может сразу перемениться. Если я и могу сослаться на что-либо в пользу отсрочки моей поездки, то мне придется просто повторить то, что я уже говорил вашему сиятельству в предыдущих письмах. Когда я приехал сюда, мое душевное состояние было совсем не то, что теперь. Полагая, что мне придется жить совсем одному, я, признаюсь вам, совсем не дорожил собою, и хоть я ни разу не усомнился в ваших милостях ко мне, признаюсь также, что выезд из этого края кажется мне трудным. Едва прибыв сюда, я, как мне казалось, сразу прочел на лицах ту надпись, что Данте ставит над вратами Ада: Lasciate ogni speranza voi ch'entrate.

Сначала я хотел лишь дождаться окончания сильных морозов, чтобы снова двинуться в путь; но я заболел горячкой, которая продолжалась немного менее месяца. Тем временем я получил верное известие, что друзья мои хотят разделить со мной мое одиночество; сознаюсь, мне очень хотелось, чтобы они застали меня еще здесь. Я уже поправлялся, когда они приехали. Санного пути оставалось недели на три и, чтобы воспользоваться им, надо было бы скакать на курьерских. Сверх того, пришлось бы также провести всё лето в Иркутске, так как говорят, что до места моего пребывания летом нет другого пути, кроме водного. Поэтому я думал, что оставаться здесь или там – одно и то же.

Не подумайте ваше сиятельство, что я собираюсь оправдываться, я уже готовлюсь в дорогу. Два возка уже куплены, и еще до конца мая я буду в пути. Весенние разливы, продолжающиеся здесь целый месяц, несколько задержат нашу поездку. Вода еще не вышла из берегов. Единственное желание мое, чтобы вы, ваше сиятельство, продолжили ваши милости ко мне, мне утешительно знать, что вы скажете обо мне: он был человеком добродетельным.


А.Н. Радищев Письмо А. Р. Воронцову, 8 мая 1791 г. // Радищев А.Н. Полное собрание сочинений. М.;Л.: Изд-во Академии Наук СССР, 1938-1952. Т. 3 (1952). С. 371—378.
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